Le monde est plus compliqué aujourd’hui qu’il y a 20, 50 ou 100 ans. L’élargissement des connaissances et le flot d’informations ont augmenté de manière exponentielle. Et bien que la société ait considérablement changé, il existe toujours un fossé des connaissances entre les médecins et les patients. Une partie de ce phénomène est tout à fait explicable. Après tout, les médecins ont reçu une formation hautement spécialisée. S’il s’agit de spécialistes, il n’est pas rare que cette formation ait duré jusqu’à dix ans. D’autre part, les personnes nouvellement diagnostiquées de la spondylarthrite ankylosante n’ont souvent encore jamais entendu parler de la maladie et de ses effets dans la vie quotidienne. Donc, pour le dire d’emblée: il faut d’importantes performances communicatives pour surmonter ce fossé.
C’est pourquoi l’une des principales préoccupations de la SSSA était dans les premiers temps de faire entendre la voix des personnes concernées aux «Dieux en blanc» et d’informer aussi bien les patients que les médecins sur le tableau clinique de la spondylarthrite ankylosante. En plus, des informations sur le tableau clinique et les possibilités de traitement devaient pour la première fois être préparées de manière à être adaptées aux patients.
Le fait que le bureau de la SSSA entend régulièrement parler de cas chez lesquels de graves problèmes sont apparus lors du traitement en raison d’un manque de connaissances et de communication avec le patient montre qu’un manque de communication peut encore aujourd’hui entraîner de graves problèmes pour les personnes concernées. C’est par exemple aussi le cas de Martin Bucher, membre de la SSSA de Sachseln OW, qui a été renvoyé de l’hôpital chez lui après un accident de vélo malgré une fracture et des contusions à la colonne vertébrale. Vous pouvez lire le cas complet de Martin Bucher, qui s’est heureusement bien terminé malgré tout, aux pages 22 et 23.
Une enquête auprès des membres de la SSSA montre une grande satisfaction
Le fait que la communication entre les personnes concernées et leurs médecins fonctionne bien dans de nombreux cas est démontré non seulement par le rapport sur Thomas Keller de Zurich à la page 10, mais aussi par les réponses à ce sujet de la grande enquête de la spondylarthrite 2020, qui a été réalisée vers la fin de l’été.
Plus de 1500 personnes concernées ont participé à l’enquête. Parmi elles, environ 1000 sont membres de la SSSA. L’évaluation parmi les membres montre qu’une grande majorité des personnes atteintes de spondylarthrite ankylosante sont très satisfaites ou satisfaites de la communication avec le médecin. La question de la satisfaction à l’égard de la communication a été divisée dans l’enquête en plusieurs sous-questions. À la question de savoir si les personnes concernées estimaient que leur médecin prenait du temps pour elles, 92 % ont répondu par «oui» ou «plutôt oui». À la question de savoir si elles se sentaient sur un pied d’égalité avec leur médecin, la grande majorité des participants ont également répondu par «oui» (67 %) ou «plutôt oui» (26 %). Et encore une fois une saine majorité de 91% des personnes interrogées ont estimé que leurs préoccupations étaient respectées par leur médecin. Le résultat est encore plus impressionnant lorsqu’il s’agit de savoir si les personnes concernées pensent que leur médecin s’exprime de manière compréhensible. Ici, 94 % ont répondu par «oui» ou «plutôt oui». Avec des valeurs entre 91 et 94 % en faveur des médecins, il est donc évident que les patients spondylarthritiques membres de la SSSA sont, dans l’ensemble, extrêmement satisfaits de la communication autour de leur spondylarthrite et qu’ils se sentent généralement bien pris en charge par leur rhumatologue ou leur médecin de famille. C’est très réjouissant.
«Médecins versus Internet»
Dans plusieurs pays, il existe des programmes de télévision portant ce titre. Et c’est assez passionnant d’observer les équipes de médecins et de non-médecins lorsqu’elles s’affrontent et tentent de deviner le diagnostic des volontaires malades. Ce n’est pas un hasard si ce format peut être diffusé avec succès aujourd’hui. Nous avons tous déjà fait nos expériences avec «Dr Google». Et il ne fait aucun doute qu’Internet a modifié la communication entre les patients et les médecins. À l’aide des informations fournies par Internet, les patients peuvent aujourd’hui davantage prendre part à la discussion, mais ils ne sont justement pas encore entièrement sur un pied d’égalité avec les médecins.
Pour les médecins, cela représente un défi et un exercice d’équilibre. Alors que certains médecins gèrent avec brio le va-et-vient entre le langage technique et le langage profane, d’autres le trouvent extrêmement difficile. Mais aussi les patients exhibant leur «latin de cuisine» ne contribuent pas toujours à clarifier la situation. Une partie de cette situation peut toutefois également être liée à une compréhension de la profession qui devient de plus en plus difficile à concilier avec les patients capables de rechercher eux-mêmes sur Internet de vastes quantités d’informations médicales. C’est justement la raison pour laquelle il serait important que les médecins s’efforcent de parler la langue de leurs patients.
À cela s’ajoute le fait que la société est aujourd’hui plus multilingue. Cela ne signifie pas seulement qu’un grand nombre d’autres langues sont parlées en Suisse en plus de l’allemand, du français, de l’italien et du romanche. Cela fait également référence aux nombreuses langues techniques et de milieu. Il est donc de plus en plus nécessaire de faire des traductions non seulement entre l’allemand et le français ou l’anglais et l’italien, mais aussi entre les langues spécialisées et un mode d’expression générale-
ment compréhensible. De plus en plus souvent, les informations des autorités et des organisations sont donc également proposées dans d’autres langues et dans un «langage facile». Et en matière de communication, les personnes souffrant de troubles de l’audition ou de la parole doivent bien évidemment également être prises en compte.
Particulièrement important pour les malades chroniques et multimorbides
Dans de nombreuses situations, la communication est donc plus compliquée aujourd’hui qu’autrefois. Lorsqu’un patient est non seulement atteint d’une maladie temporaire, mais souffre d’une maladie chronique ou de maladies multiples, la communication est encore plus importante. Et elle représente alors un défi encore plus grand.
La spondylarthrite ankylosante est de ces maladies chroniques et les personnes touchées sont souvent atteintes d’autres maladies ou de comorbidités. Dans ce cas, une bonne communication est importante non seulement entre le patient et le médecin, mais aussi entre les médecins et d’autres professionnels tels que par exemple les physiothérapeutes. Et même cette communication n’est pas exempte de difficultés. Nous savons par exemple qu’il faut encore plusieurs années avant qu’un diagnostic de la spondylarthrite soit établi. Un temps précieux pour commencer le traitement important et correct. Pourrait-il éventuellement aussi s’agir d’un problème de communication? La raison en est bien sûr également que le diagnostic de la spondylarthrite n’est pas facile à établir. Mais il est tout à fait concevable que quelques-unes des années de traitement perdues puissent être attribuées à des mal-
entendus ou à un manque de communication, si on y regarde de plus près.
Nous avons tous déjà fait nos expériences avec «Dr Google».
Le retard du diagnostic pourrait-il aussi être un problème de communication?
La numérisation pourrait également être un remède dans ce domaine. Si les patients peuvent par exemple transmettre des résultats antérieurs directement et sans modification aux médecins et autres praticiens, les malentendus peuvent être évités et le labyrinthe permettant d’établir le bon diagnostic peut être pénétré plus rapidement. On pourrait maintenant penser que la numérisation et une bonne communication sont contradictoires. Après tout, comment les nouvelles possibilités de communication, telles que par exemple les applications de gestion de la maladie, sont-elles censées promouvoir la communication entre les patients et leurs médecins? La manipulation constante des appareils et des applications n’empêche-t-elle pas une bonne communication dans la vie quotidienne souvent mouvementée des cliniques et des cabinets médicaux? La réponse est la suivante: l’un ne doit pas exclure l’autre. Ce qui compte, c’est la gestion correcte des nouvelles possibilités. En particulier dans notre environnement privé, nous constatons que nous communiquons plutôt davantage qu’auparavant en raison de l’utilisation généralisée des téléphones mobiles et des ordinateurs. Le tout simultanément et toujours adapté aux besoins actuels. De la même manière, la numérisation continuera à faire son chemin dans le quotidien médical. Et elle conduira vraisemblablement plutôt à plus qu’à moins de communication.
Des «soft skills» et de la tolérance
Si la communication est donc le parent pauvre dans le domaine médical, il est également important de se demander de quel type d’environnement il s’agit. Il n’est pas complètement surprenant que la communication ait une position difficile dans un environnement plutôt scientifique tel que la médecine. Il s’agit ici de valeurs de laboratoire, de radiographies et de principes actifs de médicaments. La précision et la traçabilité sont nécessaires. L’empathie, la participation aux décisions et d’autres compétences dites «douces» viennent souvent en second lieu. Mais cela aussi a changé ces dernières années, de sorte qu’une importance de plus en plus grande est attachée à une bonne communication.
En plus de connaissances et de compétences relatives à la communication entre les personnes atteintes de spondylarthrite et leurs médecins, une chose est probablement particulièrement importante dans le monde complexe d’aujourd’hui: la tolérance. Car la communication est quelque chose de profondément humain et une partie importante de notre personnalité individuelle. Cela s’applique également aux médecins – même si cela peut surprendre certaines personnes. Nous avons certainement toutes et tous déjà fait l’expérience de la difficulté de faire parler une personne introvertie ou de faire taire une personne extravertie. Une certaine dose de tolérance est donc nécessaire aussi dans ce domaine.
Potentiel d’amélioration identifié
Ce n’est pas un hasard si des projets tels que «Was hab’ ich?» («Qu’ai-je?»), où des médecins et des étudiants en médecine «traduisent» des rapports médicaux pour les patients, sont assaillis par les demandes. Et ce n’est pas le seul projet ou la seule offre qui vise à aider à combler le fossé de communication entre les patients et les médecins. Pour les personnes atteintes de spondylarthrite ankylosante, il existe différents outils permettant d’améliorer la communication avec les médecins et les thérapeutes et d’influencer ainsi positivement l’évolution de la maladie: de listes de contrôle à des services de traduction des rapports médicaux en passant par des tests en ligne. Les applications pourraient à l’avenir également aider à mieux comprendre les rapports médicaux (voir encadré).
Malgré tous ces projets innovants, une bonne communication avec les patients et les collègues devrait également être un objectif personnel important pour les médecins et les autres professionnels de la santé. Ces compétences devraient être encore plus enseignées dans les études de médecine, estime le Dr Daphne Schönegg, traductrice bénévole pour «Was hab’ ich?» (voir l’interview aux pages 12 et 13 dans la revue «vertical» No 86): «J’apprécierais une supervision, c’est-à-dire une observation par un expert pendant une heure de consultation avec un retour d’information ultérieur. Personnellement, je trouverais une telle formation beaucoup plus efficace que les cours de communication à l’université.»
«On ne peut pas ne pas communiquer»: c’est le fameux dicton du philosophe et psychanalyste Paul Watzlawick. On «parle» donc aussi à son interlocuteur lorsqu’on ne dit rien. Que ce soit par le langage corporel ou parfois aussi par le message qu’on ne veut pas échanger avec la personne en question pour le moment. Mais ce qui est fascinant dans la communication, c’est qu’elle cherche toujours un moyen, même si elle semble parfois complètement bloquée. Et elle contribue ainsi toujours à une amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de spondylarthrite.
- Entretemps, les besoins d’action en ce qui concerne la communication entre les patients et les médecins ont été reconnus et divers outils ou projets ont été lancés pour remédier à la situation. La SSSA a également fourni quelques outils utiles.
- L’un des outils les plus importants pour que les personnes atteintes de spondylarthrite puissent débuter la communication avec leurs médecins est sans doute le test du diagnostic. Ce dernier a déjà incité de nombreuses personnes à faire analyser plus précisément leurs troubles et ainsi enfin pouvoir faire quelque chose contre les douleurs. Le test peut être consulté sous bechterew.ch / test-du-diagnostic
- Sur le site web de la SSSA comorbidites.ch, hormis une évaluation des symptômes vous trouverez aussi un modèle pour un plan relatif au régime de médicaments. De cette façon, vous avez toujours une vue d’ensemble et pouvez également utiliser ces documents comme base pour vos rendez-vous chez le médecin.
- Brochure «Patient et médecin: écouter et se comprendre»: la brochure de la Ligue suisse contre les rhumatismes éclaire la relation médecin-patient et la communication dans ce contexte sous différents angles, présente des exemples personnels et donne de précieux conseils pour le prochain rendez-vous chez le médecin. Disponible sur www.ligues-rhumatisme.ch
Cet article a été publié pour la première fois dans la revue «vertical» Nr. 86.